Nous vous présentons l’étude numismatique de Monsieur Jean-Luc Grippari qui révèle des différences fondamentales entre les frappes d’origine des monnaies de 20 francs or Marianne Coq et leurs copies, dites copies Pinay. Cet article présente les critères permettant de distinguer ces pièces, en s’appuyant sur les découvertes récentes dans les archives de la Banque de France et les progrès de l’analyse spectrométrique.
Introduction aux Critères de Distinction entre les Frappes d’Origine et les Copies Pinay
Les copies Pinay, fabriquées entre 1951 et 1960, ont été créées en reproduisant des monnaies démonétisées avec des millésimes antidatés (de 1907 à 1914). Contrairement aux frappes d’origine, ces copies ne contiennent que 897,3 millièmes d’or, le reste étant compensé par de l’argent.
Les frappes d’origine et les copies Pinay partagent des dimensions similaires (diamètre de 21 mm, poids de 6,45 g) et arborent la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » sur la tranche. Cependant, leur composition métallique diffère : les frappes d’origine contiennent uniquement de l’or et du cuivre, tandis que les copies Pinay comportent aussi une infime quantité d’argent, leur conférant une teinte légèrement rougeâtre.
Pour différencier les frappes d’origine des copies, deux éléments sont analysés : Analyse chimique par spectrométrie X : la composition en or-cuivre pour les frappes d’origine, contre or-cuivre-argent pour les copies. Examen des détails de gravure : les copies Pinay arborent souvent un point rectangulaire après « Française » et la forme la plus courte de la variété « longue queue » sur la face du coq, alors que les frappes d’origine montrent un point carré.
La distinction entre frappes d’origine et copies est cruciale pour les collectionneurs, notamment en raison de leur impact sur la valeur et la légitimité des pièces. Ces nouvelles méthodes permettent désormais de trancher avec certitude, assurant une évaluation plus rigoureuse des pièces anciennes.
Nous vous présentons ci-dessous l’article en détail avec l’aimable autorisation de son auteur :
PRÉAMBULE
Le terme « refrappe » est mal défini dans la littérature numismatique. Ainsi, même les ouvrages de référence comme Le Franc, les monnaies, les archives (édition 2019), Le Franc 10, les monnaies (édition 2014) ou encore Le Franc poche (édition 2023) n’en proposent aucune définition. Il en va de même pour le Gadoury (édition 2021).
Le premier ouvrage cité crée même une ambiguïté car bien qu’il évoque (page 778) les nouvelles frappes de 20 francs or Marianne Coq en 1921 et dans les années 1951-1960, il utilise le terme de « refrappage » et non celui de « refrappe » (page 778). L’ambiguïté est d’autant plus grande que le glossaire numismatique de ce même livre définit (page 87) le « refrappage » comme étant la frappe à un nouveau type sur une pièce d’un autre type, ce que l’on peut interpréter comme une surfrappe ou une réformation.
Dans cet article, nous considérerons qu’une refrappe est une nouvelle frappe ordonnée par l’État et réalisée sur un flan vierge, au même type monétaire d’une pièce déjà émise par le passé et qui a toujours cours légal au moment où l’opération est exécutée. A priori, la refrappe est une copie conforme car le plus souvent réalisée avec les matrices et coins d’origine. Toutefois, le millésime gravé sur ces refrappes peut poser problème car deux cas sont possibles : soit ce millésime correspond à l’année civile en cours au moment de la refrappe, soit il est antidaté pour correspondre à l’une des années d’émission des frappes d’origine.
L’exemple parfait est celui des 20 francs Marianne Coq refrappées en 1921 mais avec un millésime antidaté 1914 : ces pièces sont d’authentiques refrappes car la pièce d’origine avait toujours cours légal et n’était pas démonétisée au moment de la refrappe.
Le contre-exemple tout aussi parfait est celui des 20 francs Marianne Coq fabriquées entre 1951 et 1960 avec de faux millésimes antidatés allant de 1907 à 1914. Au moment de leur fabrication, les pièces d’origine copiées étaient déjà démonétisées et privées de cours légal depuis la loi du 25 juin 1928. Dans ces conditions, ce que beaucoup appellent des « refrappes Pinay » ne sont en réalité que des copies des pièces d’origine. C’est pourquoi nous les désignerons désormais sous le terme plus approprié de « copies Pinay » car c’est l’appellation qui correspond le mieux à la réalité.
Enfin, pour clore ce préambule, on rappellera que certains pays comme les USA imposent que les refrappes non étatiques de monnaies nationales ou étrangères comportent de façon infalsifiable et indélébile la mention « copy »[1], ceci afin de protéger les frappes d’origine et les éventuelles refrappes étatiques officielles.
1. INTRODUCTION
Jusqu’à présent, il a toujours été difficile de distinguer avec certitude les copies Pinay des frappes d’origine des pièces de 20 francs or au type Marianne Coq.
La littérature spécialisée avait certes popularisé par le passé un subtil faisceau d’arguments en faveur des copies mais celui-ci n’avait pas fait consensus dans le public ni emporté l’adhésion de l’administration fiscale et, à la suite de cette dernière, des professionnels en métaux précieux. L’un des reproches souvent avancés était le caractère jugé parfois trop subjectif des critères discriminants proposés, lesquels intéressaient :
- la couleur, plutôt jaune pour les frappes d’origine et légèrement rougeâtre pour les copies ;
- l’aspect visuel presque « neuf » ;
- la qualité des copies, presque FDC (fleur de coin) ;
- l’aspect rugueux au toucher du listel car constitué de motifs ayant un relief plus marqué que celui des frappes d’origine.
Il faut par ailleurs rappeler que les copies :
- n’ont jamais intéressé les pièces de 10 francs du même type monétaire ;
- ne peuvent être observées qu’avec des millésimes allant de 1907 à 1914 et par conséquent sur des pièces dont la tranche est gravée de la devise républicaine « Liberté, Égalité, Fraternité ».
La situation est restée figée dans ce statu quo pendant plusieurs décennies jusqu’à ce que de notables progrès techniques joints à de récentes découvertes dans les archives de la Banque de France et du ministère des Finances changent radicalement la donne. Les nouveaux critères discriminants qui en découlent sont objectifs et permettent désormais de connaître avec certitude la nature exacte des pièces, c’est-à-dire frappes d’origine ou copies.
L’article présente ces nouveaux critères et propose de les utiliser dans un arbre de décision.
2. RAPPEL DES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES PHYSIQUES
Les copies Pinay et les frappes d’origine millésimées 1907-1914 présentent un certain nombre de caractéristiques physiques en commun :
- diamètre de 21 mm ;
- poids total de 6,45 grammes ;
- axe orienté à 6 heures (frappe monnaie) ;
- tranche B avec devise inscrite en relief *++*LIBERTÉ+*ÉGALITÉ+*FRATERNITÉ.
3. LES DONNÉES HISTORIQUES ISSUES DES ARCHIVES OFFICIELLES
C’est une avancée majeure dans la compréhension de la genèse des copies Pinay. On la doit à l’acharnement de Yannick COLLEU qui a patiemment passé en revue les archives de la Banque de France, du ministère des Finances et de la Monnaie de Paris (époque Quatrième République).
Un document d’importance majeure a en effet été découvert dans les archives de la Banque de France[2]. Il précise le poids d’or fin que contient chaque copie. Surprise de taille : celui-ci ne correspond absolument pas au poids officiel fixé par la loi du 7 germinal an XI (28 mars 1803) à 5,806451613 g d’or fin (précisément 900/155) mais à seulement 5,789 g. Le titre d’or des copies n’est donc pas de 900 millièmes mais de seulement 897,3 millièmes.
Le lecteur intéressé retrouvera ce document largement commenté à la page 123 du livre de Yannick COLLEU, « l’Or des Français (2024)[3] ». Il trouvera également d’autres informations connexes importantes du même auteur sur les blogs « L’Or et l’Argent »[4] et « Aurum etc. »[5].
Cette découverte historique est d’une importance capitale car elle montre que, dès le début de l’opération, les copies Pinay ont été sciemment fabriquées de façon différente des frappes d’origine mais, et c’est là que réside l’entourloupe, sans que cela modifie l’aspect visuel extérieur de la pièce et sans rendre public le subterfuge. De la belle ouvrage de faussaire !
Au passage, le fait qu’il y ait moins d’or dans chaque pièce contribue à expliquer la nuance rougeâtre des copies. Nous verrons toutefois au paragraphe suivant que ce n’est pas la seule raison.
Le grignotage d’or fin réalisé sur chaque pièce peut paraître minime. Mais, rapporté aux 37,5 millions de copies réalisées entre 1951 et 1960, cela représente quand même un peu plus de 654 kg d’or pur. Il n’y a pas de petites économies…
Il y a donc eu tromperie sur la marchandise. Mais comme le public n’en a jamais rien su, il a pu continuer d’acheter en confiance de jolies Marianne Coq toutes neuves, sans se douter qu’elles ne contenaient pas le même poids d’or fin que les frappes d’origine. En somme, de la réduflation (francisation de l’anglais « shrinkflation ») avant l’heure : même aspect extérieur, même prix de vente mais moins d’or à l’intérieur !
4. LES NOUVEAUX CRITÈRES
L’argument historique dévoilé au paragraphe précédent est d’une importance majeure mais il ne permet pas au numismate de distinguer une copie d’une frappe d’origine puisque l’aspect extérieur est inchangé. Pour parvenir à ce but, il faut accéder à la composition chimique des pièces et examiner avec minutie certains éléments de gravure.
La composition chimique est, de nos jours, avantageusement déterminée par la spectrométrie de fluorescence des rayons X. Il s’agit d’une technologie très précise et qui n’abîme pas les pièces. En outre, l’examen ne dure que quelques secondes et peut être réalisé sur chaque face de la pièce.
La spectrométrie est si fiable qu’elle peut être considérée comme l’actuel examen de référence non destructif ultime, l’équivalent du « gold standard » des auteurs anglo-saxons.
Elle montre clairement que :
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- les frappes d’origine ne comportent que deux métaux : de l’or (symbole chimique Au) et du cuivre (symbole chimique Cu). Depuis la loi du 17 germinal an XI, le titre droit de l’or est de 900 millièmes. Les 100 millièmes restants sont du cuivre. Dans l’exemple ci-dessous, l’écran de gauche affiche 898 ± 6 millièmes d’or et 101 ± 2 millièmes de cuivre.
- les copies Pinay comportent trois métaux : de l’or, du cuivre et de l’argent (symbole chimique Ag). Dans l’exemple ci-dessous, l’écran de droite montre 896 ± 6 millièmes d’or, 100 ± 2 millièmes de cuivre et 3 ± 1 millièmes d’argent.
La couleur rougeâtre des copies est donc due à cette composition chimique trimétallique (Au + Cu + Ag) et non uniquement à une proportion plus élevée de cuivre.
Les photos d’écrans ci-dessous illustrent les deux types de composition :
On remarquera que cet examen spectrométrique donne des résultats tout à fait en accord avec les indications dévoilées par l’archive historique de la Banque de France : 897 millièmes d’or fin par copie Pinay.
L’examen des détails de la gravure des pièces apporte un autre lot de critères discriminants. Les motifs les plus pertinents à examiner sont :
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- sur l’avers (face Marianne), le point situé après « Française » ;
- sur le revers (face coq), la plume surmontant la barre horizontale supérieure du « F » de « Fcs ».
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Comme déjà publié en 2023 dans le Bulletin Numismatique [6], le point situé après « Française » (sur l’avers) est tantôt carré, tantôt rectangulaire.
Le point de forme rectangulaire n’étant observé que sur les pièces affichant un millésime compris entre 1907 et 1914, l’hypothèse émise est que le point rectangulaire est l’apanage des seules copies Pinay.
Depuis la parution de l’article cité, il est apparu que si effectivement 100 % des pièces à point rectangulaire sont des copies Pinay, l’inverse n’est pas toujours vrai. Il a en effet été découvert un petit contingent de copies Pinay présentant un point de forme carrée (environ 5 % des copies).
Dans ce cas particulier et assurément peu fréquent, c’est l’examen spectrométrique qui permet de redresser le diagnostic en montrant la présence de quelques millièmes d’argent.
Pour résumer, toutes les pièces qui présentent un point rectangulaire sont bien des copies Pinay mais l’inverse n’est pas vrai puisque 95 % des copies ont un point rectangulaire et 5 % un point carré.
Dans un autre numéro de 2023 du Bulletin Numismatique [7], il était abordé la variété « longue queue » intéressant cette fois le revers des pièces (face coq).
Cette variété peut revêtir quatre formes en fonction de la longueur de la plume qui dépasse le « F » de « Fcs » :
Dans l’article, il était notamment rapporté que les copies Pinay présentent la forme la plus courte de la variété.
Quant aux frappes d’origine, 95 % présentent une queue de longueur normale (donc aucun dépassement) et les 5 % restants présentent l’une des trois formes de la variété (courte, longue ou très longue).
Pour être complet, il faut également rappeler le cas très particulier des pièces millésimées 1899, lesquelles arborent toutes sans exception la forme la plus longue de la variété. Mais, avec un tel millésime, il ne peut bien entendu être question d’une copie Pinay.
Au terme de ce paragraphe dédié aux critères de gravure, voici les deux combinaisons qui sont statistiquement, et de loin, les plus fréquemment rencontrées par le numismate :
5. ARBRE DE DÉCISION
Après avoir passé en revue les critères discriminants actuellement connus, on peut dresser un arbre décisionnel permettant de distinguer les copies Pinay des frappes d’origine. Il comporte trois zones :
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- une zone rose de certitude en faveur des copies Pinay ;
- une zone grise dans laquelle il y a une incertitude et comment la lever ;
- une zone jaune de certitude en faveur des frappes d’origine.
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In fine, on constate que, au moindre doute, l’examen de référence ultime est la spectrométrie X.
6. CONCLUSION
Après plusieurs décennies d’incertitudes, de nouveaux critères discriminants objectifs permettent désormais de distinguer de façon fiable les frappes d’origine de la pièce de 20 francs or Marianne Coq de leurs copies Pinay. Parmi ces nouveaux critères, ceux qui ont radicalement changé la donne sont :
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- la découverte dans les archives de la Banque de France d’un document révélant que les copies Pinay ne contiennent que 5,789 g d’or fin chacune, ce qui correspond à un titre de 897,3 millièmes. Les 2,7 millièmes d’or manquants (pour atteindre le titre légal de 900) sont remplacés par de l’argent ;
- l’examen par spectrométrie X qui montre que les frappes d’origine sont bimétalliques (Au-Cu) alors que les copies Pinay sont trimétalliques (Au-Cu-Ag) puisque contenant toutes 2 à 3 millièmes d’argent. Cet examen non destructif a une telle fiabilité qu’il peut être considéré comme l’actuel examen de référence (« gold standard »).
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Un arbre de décision est proposé pour faciliter la démarche diagnostique. Sa limite est qu’il n’est applicable qu’aux pièces authentiques, non contrefaites.
La caractérisation des copies Pinay entraîne plusieurs conséquences pratiques parmi lesquelles :
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- la ré-affirmation qu’elles ne sont que des reproductions dépourvues d’intérêt numismatique ;
- la remise en cause de leur statut d’or d’investissement car ce ne sont ni des monnaies ayant eu cours légal ni des monnaies démonétisées mais de simples copies (cf. CGI article 298 sexdecies A – paragraphe 2-b)[8]. En 1951, le ministre des Finances de l’époque (René Mayer) qui avait ordonné leur fabrication, a même admis par écrit qu’elles « …/… peuvent être assimilées, depuis la loi monétaire du 25 juin 1928, à des médailles ou plutôt à des lingots…/… ». En outre, comme elles ne titrent pas le minimum de 995 millièmes, elles ne peuvent pas être considérées comme des plaquettes d’or d’investissement (cf. CGI article 298 sexdecies A – paragraphe 2-a). En toute logique, elles ne peuvent donc pas bénéficier de l’exemption de la TVA à l’achat.
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Les ventes par des professionnels sont dès lors soumises à la TVA sur la marge des produits d’occasion [9].
Quant aux ventes par des particuliers, elles sont exonérées de taxe jusqu’à 5 000 € de cession, et, au-delà de ce seuil, soumises à la taxe forfaitaire (cf. CGI article 150 VI – I-2°) [10] au titre de la catégorie fiscale des « bijoux et assimilés ».
Jean-Luc GRIPPARI
REMERCIEMENTS :
L’auteur tient à remercier chaleureusement monsieur Charles DE LANGHE, responsable de l’agence brestoise de la société GODOT & FILS, sans qui les examens spectrométriques de cet article n’auraient pas pu être réalisés
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES :
[1] « Rules and Regulations under the Hobby Protection Act », Code Of Federal Regulation, Title 16, Chapter I, Subchapter C, part 304.
[2] « Mouvements de l’or en 1956 », Service du Patrimoine historique et des archives (Banque de France).
[3] « L’Or des Français », Yannick COLLEU, éditions BoD, 2024
[4] « Pièces 20 francs Napoléon jetons : révélations sur les copies Pinay », Yannick COLLEU, décembre 2023.
[5] https://aurumetplus.substack.com/p/lor-des-francais
[6] « 20 francs or Marianne Coq : si ce n’est point carré, c’est donc Pinay ? », Jean-Luc GRIPPARI, Bulletin Numismatique n°235, pages 38-39.
[7] « 20 francs or Marianne Coq : à propos de la variété longue queue », Jean-Luc GRIPPARI, Bulletin Numismatique n°234, pages 50-51.
[8] Code Général des Impôts et BOFIP
[9] Décret n°95-172 du 17 février 1995 relatif à la définition des biens d’occasion, des œuvres d’art, des objets de collection et d’antiquité pour l’application des dispositions relatives à la TVA
[10] BOFIP et Bercy INFO particuliers (Site du Ministère de l’économie)
[11] Lettre reproduite in extenso dans le Procès-verbal du Conseil Général de la Banque de France, séance du 2 novembre 1951
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