À propos du billet de 500 Francs Bleu et Rose Type 1888
Le précédent billet de la Banque de France d’une valeur de 500 Francs (Type 1863) fait l’objet d’une contrefaçon massive, l’institut d’émission se voit contraint de le retirer de la circulation au profit d’une nouvelle vignette plus sécurisée à la quelle il a été rajouté un fond rose au visuel bleu existant, ainsi est créé le billet de 500 Francs Bleu et Rose Type 1888.
Sur les débats parlementaires à propos des faux billets de 500 Francs Type 1863.
Voici l’extrait du compte-rendu analytique de la séance relatif à la question des faux billets de banque.
- le président. → L’ordre du jour appelle la discussion de l’interpellation de M. Camille Dreyfus sur les mesures que le gouvernement, compte prendre vis-à-vis de la Banque de France pour garantir les intérêts du commerce et de l’industrie contre les fraudes dont la monnaie fiduciaire a été récemment l’objet.
La parole est à M. Dreyfus.
- Camille Dreyfus. → Au moment où je prends la parole, une émotion qui ne s’est rencontrée qu’aux époques de crises politiques les plus intenses, règne dans le monde des affaires.
- Le baron de Soubeyran. → C’est très exagéré !
- Camille Dreyfus. → Vous me répondrez, monsieur de Soubeyran, mais comme j’ai reçu, ce matin, les confidences de plus de quarante négociants du quartier du Sentier, j’ai le droit de dira sans exagération, qu’en ce moment une sorte de doute règne dans le monde du commerce et de l’industrie, dans le public, sur la valeur du billet de banque.
J’ajoute qu’il ne s’agit pas de me faire par avance le défenseur de telle ou telle institution de crédit.
Je ne cherche ni à attaquer ni à défendre la Banque de France. Ce que je cherche, d’accord, je l’espère, avec le gouvernement, c’est à donner aux commerçants, aux industriels, au public, qui ont l’habitude de se servir du billet de banque comme de la monnaie métallique, les garanties auxquelles ils ont droit.
Je dis qu’à l’heure actuelle règne la plus vive émotion. Il suffisait pour s’en convaincre de passer hier, à cinq heures, rue de la Vrillière ; et de voir la longue file de personnes qui venaient dans les cours de la Banque échanger, des billets contre de la monnaie métallique, phénomène qui ne s’était vu qu’aux époques des crises politiques les plus intenses.
Vous connaisses les faits qui ont amené cet état de choses. Vous savez que, le 17 mai, un de nos concitoyens, M. Dumas, en plein champ de courses était appréhendé au collet, traîné au commissariat de police, pour avoir donné, au bureau de change, un billet faux de 500 francs, et amené chez le commerçant qui, inconsciemment lui avait remis le billet, puis remis en liberté. Vous savez aussi qu’une autre personne, portant un nom historique, a été également arrêtée, puis relâchée plus vite.
Vous savez enfin qu’un certain nombre de commerçants se sont vus frappés dans leur crédit pour avoir été, un jour d’échéance, trouvés munis de billets faux de 500 francs.
J’ai là une lettre navrante d’un fabricant de bronze de la rue Amelot. (Interruptions sur divers bancs.)
Monsieur le président du conseil, je ne cherche nullement à attaquer le Gouvernement ; je suis bien convaincu que ce n’est pas lui qui a fabriqué les faux billets de Banque. (On rit.)
Le commerçant dont je parle s’est trouvé dans la situation suivante : ayant à toucher un chèque de 855 francs sur la Société générale, il recevait un billet de 500 francs, 3 billets de 100 francs, et le reste en monnaie métallique. Il se rend à la Banque de France pour retirer ses effets ; le billet de 500 francs qu’il présente est reconnu faux, il ne peut payer ses effets qui sont protestés et il est sur le point d’être déclaré en faillite. (Bruit.)
On me dit que ce n’est pas possible ; je tiens la lettre à la disposition de ceux qui paraissent douter, elle porte le timbre du commerçant.
Je vais plus loin. Les agents de M. le ministre des finances lui-même, hier, à Enghien-les-Bains, refusaient les coupures de 500 francs.
J’ai donc le droit de dire qu’une émotion profonde règne en ce moment dans les transactions monétaires, que le billet de banque est frappé d’un discrédit momentané et que je suis fondé à rechercher à qui en incombe la responsabilité. Les faits dont j’ai parlé ont donné lieu à des actions judiciaires. Ce ne sont pas les premières qui aient été engagées. Le négociant qui, le 17 mai avait remis le billet faux de 500 francs, à M. Dumas, a attaqué la Banque de France en remboursement. (bruit)
Ce n’est pas la première fois, je le répète, qu’est venue devant les tribunaux la question de savoir si la Banque de France est tenue de rembourser les billets faux. C’est cette question que je veux examiner, non pas seulement en juriste, mais en homme politique qui comprend que la Banque de France est autre chose qu’un simple établissement de crédit, qu’elle est, en même temps, un établissement d’Etat, qu’elle engage le crédit de l’Etat, qu’elle est, par conséquent tenue à d’autres règles que les établissements ordinaires de crédit.
En 1822, le duc de Gaëte déclarait que la Banque de France n’était pas tenue de rembourser nul n’étant obligé de payer un billet qu’il n’a pas souscrit. C’était aussi la jurisprudence du tribunal de la Seine, en 1832.
Alors la question est de savoir si le billet de banque est seulement un billet à vue ou bien si étant données les origines de la Banque de France, ses liens avec l’Etat, la Banque n’a pas à remplir d’autres devoirs que ceux qui sont imposés au simple souscripteur d’un billet. Je prétends, quant à moi, qu’elle a d’autres devoirs.
En premier lieu, il s’agit de savoir si la Banque de France, pour la confection de ses billets, a pris toutes les précautions qu’on était en droit d’exiger d’elle. Je crois que non. Il est, en effet de notoriété publique que, par un esprit d’économie mal entendu, elle a refusé les offres qui lui étaient faites pour le perfectionnement de son papier, de ses gravures, des procédés chimiques qui auraient pu, sinon empêcher absolument la fraude, du moins la rendre plus difficile.
A ce propos, je signale un fait à la Chambre. Il y a un instant, une personne que je puis nommer à M. le président du conseil, vient de me montrer un portefeuille plein de faux billets de banque de toutes les coupures fabriqués par elle. (Exclamations et rires.)
Elle me disait, et ceci n’est pas risible : La Banque de France le sait depuis dix ans et m’a demandé de ne rien dire (Bruit). Eh bien, je crois, moi, qu’il est de l’intérêt général que ces faits soient connus de tous, parce que, quand le billet de la Banque a le rôle qu’il a chez nous, quand il est considéré comme l’équivalent de la monnaie métallique, on ne saurait prendre trop de précautions pour en assurer la sincérité et qu’on a le droit d’exiger que la Banque de France prenne un sur-maximum de précautions. (Très bien ! très bien ! sur divers bancs.)
Or, non seulement la Banque de France n’a pas perfectionné sa fabrication, mais quand la fraude lui a été révélée, elle n’en a pas prévenu le public. Je sais bien qu’elle a dit le contraire dans une note de l’agence Havas.
Mais, le commissaire de police de Boulogne, M. Cochefert, a reconnu que, le dimanche qui a précédé l’incident Dumas, on avait reconnu 12 billets faux, la Banque de France était donc avertie, et elle aurait dû, par la plus grande publicité possible, mettre le public en garde. Elle ne l’a pas fait. Elle a donc encouru une responsabilité.
Doit-elle le remboursement ? Je n’examine pas, je le répète, la question en juriste, je ne rechercherai pas si la doctrine du tribunal de la Seine en 1832 est la vraie doctrine, je recherche seulement ce qu’est le billet de banque ce qu’il représente et quelles sont les obligations de la Banque de Franco vis-à-vis de l’Etat et du public.
Vous connaissez la situation. Il y a pour 3 milliards de billets de banque en circulation, par quoi sont-ils garantis ? Je ne pense pas que ce soit par ses 182 millions d’actions que la Banque pourrait faire face au remboursement, si tous les porteurs se présentaient à ses guichets. Non, ses billets sont garantis par ses 3 milliards environ d’effets commerciaux, de titres, de dépôts…
- le ministre des finances. → Et les 2 milliards 700 millions de l’encaisse.
- Camille Dreyfus. → Je les comprenais dans le compte de dépôts et je dis que les trois milliards de billets en circulation sont couverts à peu près juste par les trois milliards de dépôts qui sont dans le portefeuille ou dans les caves de la Banque de France. Par conséquent, les 182 millions de capital de la Banque de France ne représentent aucune espèce de garantie ; cela répond à la question que posait un jour M. Clemenceau : à quoi peut bien servir un actionnaire de la Banque ?
Il ne sert à rien ; le vrai répondant, c’est le public qui apporte son effet, son titre de rente ou son action, qui dépose son numéraire.
- Paul de Cassagnac. → Public que nous j devons défendre.
- Camille Dreyfus. → Oui, public que nous devons défendre. Donc, la Banque, qui reçoit du public son crédit, est tenue de donner au public les garanties qu’elle lui doit.
A l’Etat que doit-elle ? Elle doit à l’Etat son existence, non seulement par les lois qui l’ont constituée, mais aussi parce qu’à l’heure où elle s’est fondée, l’Etat est intervenu dans la formation de son capital en prenant pour cinq millions de ses actions. Or tandis que les autres banques d’Europe offrent des garanties au public, et rendent des services à l’Etat en échange du privilège qui leur est accordé, tandis que la Banque royale d’Angleterre et la Banque royale de Belgique, font le service de rencaissement de l’impôt et du payement de la rente ; que la Banque impériale d’Allemagne fait le service de la rente, et que la Banque royale de Belgique partage dans une certaine proportion ses bénéfices avec l’Etat, la Banque de France ne donne rien à l’Etat, ne partage pas avec l’Etat ses bénéfices ; elle doit donc au public des garanties plus considérables encore que celles que lui offrent les autres établissements de même nature.
On est d’abord d’autant plus en droit de les exiger d’elle, que sa situation présente quelque chose d’anormal, car elle est en quelque sorte plus puissante que l’Etat.
Sans vouloir soulever en ce moment la question du monopole, on est bien obligé de faire remarquer le rôle particulier de la Banque de France. Quand on examine la composition de son conseil de régence, on voit que sur quinze membres, il y en a onze qui sont en même temps administrateurs des grandes compagnies de chemins de fer. Et si M. Edouard Lockroy était à son banc, je ferais appel à ses souvenirs de ministre du commerce et de l’industrie pour lui demander quel compte ce conseil tient des avis, des désirs de l’Etat.
Je demande à tous ceux qui ont le souci de l’indépendance de l’Etat français s’il est normal de voir concentrer dans les mains de onze personnes, d’une part la circulation des marchandises et des voyageurs, d’autre part la circulation des capitaux, de la monnaie fiduciaire et du crédit. (Très bien ! très bien ! à gauche.)
Quand un établissement comme la Banque de France tient ainsi toute la circulation économique du pays, il ne doit pas se retrancher derrière tel article du code pour ne pas payer une coupure fausse ; la question qui se pose est une question de crédit public, de bonne tenue pour l’établissement en cause.
Or le crédit du pays serait profondément atteint si le billet de banque perdait de sa valeur ; l’Etat doit donc intervenir par l’organe du gouverneur de la Banque, qu’il nomme, et à ce propos ne puis-je pas demander si le gouverneur, étant en même temps un fort actionnaire de la Banque, il n’est pas à craindre qu’il perde comme actionnaire quelque chose de l’indépendance qu’il devrait avoir comme agent de l’Etat.
Le gouvernement doit donc intervenir auprès de la Banque pour protéger le public, il doit dire à la Banque : Vous détenez un monopole, vous ne le payez par aucun service rendu à l’Etat, vous devez donc au public un surcroît de garanties ; alors que vous vous êtes partagé pendant certaines années 35 % de bénéfices, vous pouvez bien faire un sacrifice pour les petits commerçants lésés par de faux billets et mis à deux doigts de la faillite.
Je ne sais pas ce que me répondra M. le ministre des finances ; je veux espérer qu’il fera usage de l’autorité que la loi lui donne auprès du gouverneur de la Banque de France, pour faire comprendre à cet établissement que ce n’est pas à la veille du renouvellement de son monopole qu’il lui convient de se mettre en opposition avec le sentiment et avec l’intérêt publics.
En effet, quand la Banque est à la veille de demander à l’Etat le renouvellement d’un privilège qui lui permet de faire des bénéfices considérables, elle a le devoir de ne pas laisser supporter les pertes par les porteurs de billets. (Très bien ! très bien ! sur divers bancs.)
Je compte sur le dévouement de M. le ministre des finances et du cabinet, pour imposer à la Banque ce qui n’est peut-être pas dans la loi écrite, mais ce qui est dans la conscience, dans la probité communes.
(Applaudissements sur divers bancs à gauche.)
- Peytral, ministre des finances. → Je remercie tout d’abord l’honorable M. Dreyfus d’avoir, en portant à la tribune son interpellation, permis au gouvernement de donner des explications sur des incidents qui depuis quelques jours émeuvent une partie de la presse et même, à en croire M. Dreyfus, l’opinion publique tout entière.
(Voix à droite, Oui ! oui !)
- le ministre. → Ces incidents sont de telle nature qu’il suffira, je l’espère, de les faire connaître dans toute leur sincérité pour les réduire à leurs véritables proportions.
Fort heureusement, le billet de la Banque de France est tel qu’il ne pouvait être atteint par une émission de faux billets comme celle qui s’est produite ces derniers jours.
(Très bien ! très bien ! – Interruptions.)
- Paul de Cassagnac. → A l’heure actuelle on ne reçoit plus de billets de 500 francs.
- Le ministre. → Je répète que le crédit du billet de la Banque de France n’est nullement atteint par les incidents de ces derniers jours, et j’en donnerai la preuve.
(Très bien ! très bien !)
Dreyfus a quelque peu reculé devant la conclusion logique de son discours, qui eut été celle-ci : Vous devez obliger la Banque à rembourser les billets faux. M. Dreyfus ne l’a pas dit, et il a eu raison, car il est matériellement impossible de soutenir que la Banque doit être mise en demeure de rembourser des billets qu’elle n’a pas souscrits.
(Interruptions sur divers bancs.)
- Recipon. → Pas plus que l’Etat ne rembourse la fausse monnaie.
- Le ministre. → Si le gouvernement a cru devoir rendre témoignage de la bonne renommée, de la situation irréprochable du billet de banque, il n’entend nullement se faire l’avocat d’un établissement financier quelconque, quelque considérable qu’il soit.
(Très bien ! très bien !)
Ce n’est pas comme avocat de la Banque que je parle, c’est comme ministre des finances, comme orateur du gouvernement.
On ne peut pas plus imposer à la Banque le remboursement d’un billet qu’elle n’a pas souscrit qu’on ne pourrait imposer à l’Etat l’obligation de rembourser la fausse monnaie.
Le jour où serait admis un tel principe, l’imposeriez-vous aux Compagnies ? à l’Etat ?
- Gaudin de Villaine. → Ce n’est pas comparable.
- Le ministre. → Pardon, tout repose sur la même idée, celle de la circulation fiduciaire. Je n’hésite pas à dire que le jour où- l’on entrerait dans cette voie, on ruinerait par cela même la circulation fiduciaire, et ce serait une prime donnée aux falsificateurs !
(Très bien ! très bien !)
Si de ces falsifications générales nous passons aux faits, je demanderai à la Chambre si l’on peut soutenir que la Banque n’a pas rempli ses devoirs, et si elle a outrepassé ses droits. La Banque n’a eu connaissance de l’existence de billets faux que le 15 de ce mois.
(Bruit Sur divers bancs.)
J’apporte ici le témoignage du gouvernement de la Banque, témoignage qui ne peut être suspect, j’imagine, aux yeux de personne dans cette Chambre.
(Très bien ! très bien !)
- Camille → Il a été mal renseigné.
- Le ministre. → Je suppose que les moyens d’information de M. le gouverneur de la Banque de France, ne sont pas inférieurs à ceux de M. Dreyfus. C’est le 15 mai, je le répète, que le premier billet faux a été découvert dans la recette d’un des garçons de la Banque.
Ce jour-là on a vérifié l’encaisse et on a reconnu. que le portefeuille contenait en tout 14 billets faux ; dès le lendemain 16, la police était informée et c’est alors qu’eut lieu une arrestation, que nous regrettons assurément, mais qui avait pour but de vérifier par quels intermédiaires les « billets faux s’étaient introduits dans la circulation.
Je n’ai pas à défendre en ce moment la police, et je reconnais que toute arrestation non justifiée est profondément regrettable, mais il y avait ici en jeu un intérêt de premier ordre, arrestation pouvant faire découvrir les faussaires.
Quoiqu’il en soit, dès le 17, la Banque de France informait le public, par une note de l’agence Havas, de l’existence de billets faux. Elle n’avait même pas attendu cette date pour avertir ses succursales. Dès le 16, une circulaire leur faisait connaître les caractères auxquels pouvaient être reconnus les billets faux.
En pareilles circonstances, il y a à choisir entre deux systèmes : ou ne rien dire et laisser la police faire son œuvre, ou prévenir le public, au risque de rendre le travail de la police de plus en plus difficile ; les falsificateurs se mettant aussitôt sur leurs gardes.
La Banque a averti la police le 16 et le public le 17 : on n’a donc rien à lui reprocher. Mais peut-on se plaindre qu’elle n’ait pas pris toutes les précautions nécessaires pour prévenir la falsification de ses billets ? Je ne le crois pas. Il est incontestable en effet qu’elle n’a rien négligé pour rendre ses billets inimitables, y a-t-elle réussi ?
Si nous en jugeons par la rareté croissante des imitations, il est évident qu’il n’y a rien à cet égard à lui reprocher. Est-il exact, comme on l’a prétendu, qu’elle n’employait pas pour la confection de ses billets les procédés les plus perfectionnés ?
J’ai demandé à cet égard des renseignements à la Banque et j’ai appris que ses précautions étaient poussées si loin qu’elle a pris pour conseil l’homme le plus capable de la diriger au point de vue chimique et pratique, l’honorable M. Berthelot. N’y a-t-il pas là, je le demande, la meilleure garantie de son désir de rendre impossible l’imitation de ses billets ?
D’autre part, le meilleur moyen de rendra la falsification difficile est de rendre la circulation la plus courte possible : c’est ce que fait la Banque, qui, à des époques fréquentes, retire ses billets de la circulation.
Il est donc impossible de ne pas reconnaître que la Banque a fait tout son devoir pour parer aux dangers de la falsification.
Elle doit persévérer dans ces efforts ; au prix des sacrifices les plus importants elle doit justifier son privilège ; elle ne s’y refuse pas. Nous lui avons demandé de retirer de la circulation, les billets de 500 francs, et ses douze caisses ont cessé d’en délivrer.
De plus, elle a créé des caisses supplémentaires pour l’échange des billets de 500 francs en circulation. On a parlé de l’affluence du public pour échanger ses billets de 500 francs, contre d’autres coupures ; cette affluence ne prouve qu’une chose, c’est que le public se prête au désir que la Banque elle-même lui a exprimé.
(Mouvements-divers.)
Il me semble, quant à moi, que l’empressement que met la Banque à retirer ses billets de 500 francs de la circulation est de nature à rassurer le public ; non seulement elle a donné satisfaction aux demandes de remboursement, mais elle les a provoquées, elle a autorisé ses succursales à prévenir le public et à aller au-devant de ses demandes : n’est-ce pas là un motif de plus d’avoir confiance dans notre grand établissement financier.
(Très bien ! très bien !)
J’ai préféré parler de ces choses moins en juriste qu’en homme d’affaires ; et c’est à ce titre qu’il me suffira de rappeler avec quel empressement la Banque est allée au-devant des remboursements.
En fait, elle a dans ces deux derniers jours remboursé 23 300 billets de 500 francs, soit 11 millions 650.000 francs et sur ce nombre savez-vous combien il s’en est présenté de faux ? Le 24, il en a été présenté un et le 25 aucun.
Vous pouvez juger par-là quelle est la proportion réelle des billets faux par rapport à la circulation totale.
Ce n’est pas tout, la Banque de France a envoyé ses garçons de recettes encaisser dans Paris 14 millions de billets venus à échéance.
Combien croyez-vous que sur ces 14 millions il y ait eu de billets faux ? Pas un seul.
- Sigismond Lacroix. → Elle ne les reçoit pas.
- Le ministre. → Cependant, si ces négociants avaient eu des billets de 500 francs, ils l’auraient au moins dit aux garçons de recettes de la Banque : Voici un billet de 500 francs, l’acceptez-vous ?
Eh bien, je le répète, les garçons de recette de la Banque n’ont pas eu hier un seul billet de 500 francs faux dans leur recette de 14 millions.
(Très bien ! très bien ! sur divers bancs.)
Vous devez accepter ces chiffres comme je les ai acceptés moi-même. A l’heure actuelle, combien la Banque a-t-elle vu de billets faux ? 59. Il y en avait 59 à midi, peut-être à l’heure où je vous parle y en a-t-il 60.
Cela prouve que si l’émotion a peut-être été profonde, il est bon de la ramener à sa juste proportion, et qu’il ne faut sous aucun prétexte permettre à ceux qui essaieraient, dans un intérêt quelconque, d’alarmer le public, de continuer des manœuvres que nous réprouvons tous ici.
(Applaudissements sur un grand nombre de bancs.)
Le public, informé, sera rassuré, et il le sera plus encore quand il saura que, vis-à-vis des porteurs de bonne foi, la Banque usera de toute la générosité possible. Et si je me sers de cette expression, c’est que c’est de celle-là même que s’est servi M. Camille Dreyfus ; je tiendrais plutôt, moi, à me servir du terme d’indemnité. Oui, c’est le devoir de la Banque de France, qui jouit dans ce pays d’un privilège exceptionnel, d’user de la plus large indemnité à l’égard des porteurs de bonne foi ; ce devoir, elle saura le remplir, elle saura indemniser dans la plus large mesure ces porteurs, et cela se fera sans que, dans la pratique, aucune difficulté puisse naître.
(Très bien ! très bien !)
Cette indemnité, que la Banque, bien loin de la refuser, est désireuse de donner aussi large que possible, ne sera dans la pratique, je le répète, astreinte à aucune difficulté. Ainsi tomberont les faux bruits qui tendaient à altérer la confiance du public dans le billet de banque, et notre circulation fiduciaire sortira encore une fois sans atteinte d’une crise qu’on a essayé de grossir.
(Applaudissements sur un grand nombre de bancs.)
- Camille Dreyfus. → Dans les observations de M. la ministre des finances il y a deux parts : en premier lieu, M. le ministre des finances a cherché à justifier la Banque de France en ce qui concerne les précautions qu’elle aurait prises pour assurer la sincérité de ses billets.
Je n’insiste pas sur ce point de détail. La question est de savoir non pas s’il y a eu en circulation 50 ou 70 billets faux, mais quelle sera l’attitude de la Banque vis-à-vis des porteurs de bonne foi.
Si M. le ministre des finances obtient que la Banque accorde une indemnité équivalente à un remboursement, nous n’aurons pas à nous battre sur une question juridique.
Mais il ressort des explications qui viennent d’être portées à la tribune qu’il était utile de soulever cc débat, d’une part, pour rassurer l’opinion…
(Interruptions.)
Aimeriez-vous mieux qu’on continuât d’imprimer dans les journaux que vous connaissez que le marché est inondé de faux billets ?
Votre silence est la justification de mes paroles.
D’autre part, pour obtenir la satisfaction d’entendre M. le ministre apporter cette déclaration que les porteurs de bonne foi seront indemnisés dans une mesure équivalente au remboursement…
- le ministre finances. → Dans la plus large mesure possible.
- Camille Dreyfus. → En tout cas, je pense que la solution de ce débat comporte autre chose qu’un ordre du jour pur et simple, ou tout au moins doit se résumer par un engagement du gouvernement d’étudier, à bref délai, les conditions dans lesquelles se fait, dans notre pays, la circulation fiduciaire.
J’attends cet engagement de M. le ministre des finances ; ce n’est pas à la veille de l’expiration du monopole de la Banque de France qu’il convient d’ajourner la solution.
(Très bien ! très bien ! sur divers bancs à gauche.)
- Floquet, président du Conseil. → Présentez-vous un ordre du jour?
- Camille Dreyfus. → Cela dépendra de la réponse que me fera le gouvernement.
- Floquet, président du Conseil. → Le Gouvernement ne vient ici défendre ni les intérêts des actionnaires de la Banque de France, ni les intérêts d’aucun syndicat financier.
(Très bien ! très bien !)
II vient uniquement pour protéger contre des exagérations la solidité de notre billet de banque, et c’est pour cela que, répondant à la question de M. Dreyfus, je dis sans hésitation que si le gouvernement est prêt, à un moment donné, à examiner les conditions dans lesquelles plus tard, à l’expiration du privilège de la Banque, ce privilège doit être renouvelé, ce n’est pas dans le moment présent qu’il convient de lier cet examen, et même une enquête, à des bruits qui ont été répandus, qui ont été exagérés, et qui auraient pu avoir pour résultat d’altérer aux yeux du public la valeur du billet de Banque.
(Très bien ! très bien !)
Le ministre des finances, parlant non seulement au nom du gouverneur de la Banque, mais comme ministre des finances, comme homme de droit et de justice, a dit que la Banque de France n’était, pas plus qu’un débiteur ordinaire, obligée de faire face à sa signature quand cette signature était altérée ou falsifiée.
(Très bien ! très bien !)
En droit, personne ne pouvait exiger autre chose, car vous voyez, non seulement au point de vue industriel, mais aussi au point de vue politique et patriotique, ce qu’une telle doctrine aurait de périlleux ; nous avons vu, à une autre époque, falsifier les instruments de la circulation fiduciaire dans l’intérêt de ceux qui combattaient la Révolution française ; nous ne voulons pas nous exposer à un pareil danger.
(Très bien ! très bien ! sur un grand nombre de bancs.)
Le ministre des finances a donc dit qu’en droit la Banque n’était pas obligée de rembourser ses billets falsifiés. Mais, reconnaissant qu’il importait que les porteurs de bonne foi fussent indemnisés, qu’ils reçussent une compensation de leur bonne foi, de leur conviction que le billet de banque qui circule est un bon billet, qu’il ne peut pas être soumis à la vérification, aux recherches de tous ceux par les mains desquels il passe, il a déclaré que, dans l’intérêt de notre circulation fiduciaire, une indemnité devait être donnée par la Banque de France. Cela, nous l’avons demandé depuis deux jours. Et ce point est acquis.
Il est acquis aussi que les billets de 500 francs, frappés en ce moment d’un discrédit exagéré, sont retirés de la circulation.
Dans cette situation, il faut qu’il ne reste rien de cet incident, qui a été fort exagéré.
(Très bien ! très bien ! sur divers bancs.)
Il faut qu’on sache, non seulement à Paris, mais dans toute la France, où l’on a eu tant de peine à faire pénétrer le billet de banque – les hommes de mon âge peuvent se le rappeler – que le billet de banque n’a rien perdu de l’autorité qu’il a acquise et qu’il doit la conserver.
Car ce billet est un élément de notre prospérité, et dans les temps de crise où nous pouvons être entraînés, il est le gage de notre force et de notre sécurité.
(Vifs applaudissements sur un grand nombre de bancs.)
- Le président. → Aucun ordre du jour n’est proposé.
Voix nombreuses. → L’ordre du jour pur et simple !
L’ordre du jour pur et simple, mis aux voix, est adopté.
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