À propos du billet de banque de 10 Francs MINEUR

À propos du billet de banque de 10 Francs MINEUR

À propos du billet de banque de 10 Francs MINEUR

Le peintre Lucien Jonas dans son atelier devant un tableau représentant Bazouges et son clocher ; En bas, les autres modèles du billet de 10 francs, le mineur d'Anzin et la jeune femme de La Flèche.

À propos du billet de banque de 10 Francs MINEUR

 

PARIS-SOIR du 15 décembre 1943

« À propos d’un billet de dix francs et du clocher qu’il représente, où l’on assiste à la rencontre, du premier avec son pays d’origine »

 

BAZOUGES, 14 Décembre 1943 –
Par Georges MARTIN

En avez-vous déjà vu, vous, de ces nouveaux billets de dix francs Mineur ?

Parce qu’un jour un journal s’était plaint de ne voir jamais figurer les provinces du Nord et du Centre sur les coupures, on a pris pour sujets décoratifs de celles-ci le Nord avec ses mines et la Sarthe avec ses champs.

C’est une sorte de réparation envers l’opinion publique. Elle a bien le droit, après tout, la susnommée opinion, d’avoir une monnaie de son goût, même si elle c’est qu’en papier.

Au recto, le nouveau billet format restriction — non pas en vertu de la diminution de son pouvoir d’achat, selon le dire des esprits perfides, mais en raison du manque de papier — s’orne d’une belle tête de mineur. Le modèle qui posa pour le peintre Lucien Jonas, autour des maquettes, est un brave ouvrier anzinois répondant au nom d’Henri Dargent.

Au verso de celui-ci il y a une jeune femme portant un bébé, qui a l’air de prendre le sein ou de jouer avec des allumettes, la question reste à résoudre.

Mais il y a encore autre chose au verso du petit billet de 10 francs. En cherchant bien, entre le corsage de la maman, la tête casquée du filigrane et la paire de bœufs. On découvre, perdu dans le tendre bleu du lointain, un village. Plus exactement une ombre de quelque chose ressemblant à des toits desquels émerge un clocher terminé, c’est indubitable, par un coq.

La Banque de France a dit : c’est Bazouges, bourg de la Sarthe. En effet, le peintre Lucien Jonas partage généralement son temps entre le pays noir et ce plantureux département — une véritable baleine de département du point de vue du ravitaillement ! Il a utilisé une de ses toiles. Elle a été retenue parce que le village est typiquement français.

Cependant, étant donné l’Imprécision des contours, on a bien le droit d’aller voir.

Ce que nous fîmes.

Où j’ai craint de connaître un mauvais parti.

Lorsque la « diligence » à gazogène, venue de La Flèche — à toute allure, bien entendu — s’arrêta sur la petite place, je n’eus pas besoin de poser la moindre question pour savoir que j’étais bien arrivé en ce pays qu’un coup de pinceau vient d’immortaliser.

Sur le seuil de l’hôtel du Croissant d’Or, la patronne — une fort accueillante personne au demeurant – s’avançait, poussant lentement et comme avec prudence ses formes opulentes, vraie enseigne vivante. Elle jeta un coup d’œil à mon léger bagage, à mon visage pale de citadin et s’écria :

— Vous ne viendriez pas de Paris, par hasard ?

Les paquets qui dégringolaient du toit du véhicule pour lui être confiés. le va-et-vient de quelques minutes de ce relais de l’autocar, qui est pourtant le seul accident quotidien à la monotonie villageoise, ne l’intéressaient pas ce jour-là.

Je venais de Paris et c’était bien là. l’essentiel.

« On allait peut-être pouvoir le voir enfin, le nouveau billet ! »

Car tout le monde savait déjà la nouvelle, mais personne n’avait encore vu la chose.

— Vous n’avez pas un de ces nouveaux billets de 10 francs ?

Que si. j’en avais un, puisque je venais précisément à ce sujet.

Je sortais de mon portefeuille le billet unique dont je m’étais pourvu grâce aux plus hautes complicités et qui, y tenant aisément sans pliure, dans sa plus grande dimension, se présentait encore, à ce moment-là. dans un état de conservation remarquable.

Oh ! Ce n’est que ça ?

— Oh ! ce n’est que ça, dit tout haut l’hôtelière déçue.

A ces mots, ce fut un tumulte dans l’auberge. Les arrivants, qui profitaient du prétexte. d’être arrivés pour se réconforter à coups de petit vin blanc, laissaient là leurs verres et entouraient la patronne.

Tout le monde voulait voir ce fameux billet.

Une vieille paysanne s’écroulait sur une chaise :

— Mon Dieu c’est ben not’ clocher tout d’mème.

Un bourgeois rural en chapeau mou et col cellulo, haut en couleur, proférait :

— Quoi, ça, Bazouges ? Ça pourrait aussi bien être Trifouilly-les-Oies ou Corneville.

On ne savait plus si c’était le vin. le froid subi ou la colère qui le rendaient si écarlate.

Les avis étaient assez partagés. Je prenais pour ma part un air mi-souriant, mi-navré, selon la vigueur et le ton des exclamations. On me regardait beaucoup. On me regardait trop. On m’assaillait de questions. J’étais devenu en quelques minutes l’événement du jour. Et je ne vous cacherai pas que cette publicité intempestive, déjà gênante pour la modestie, ne laissait pas de m’inquiéter… pour les joues. Car je sentais bien qu’on allait bientôt me rendre responsable du fait que le noble pays de Bazouges ne figure qu’à l’état de figurant sur « mon » billet de dix francs.

Cependant, une sorte d’abattement consterné ayant succédé à l’émotion générale, je réussis à reprendre possession de la vignette, déjà fort mal en point, à la faveur d’un changement de mains. Et je m’esquivais en balbutiant des promesses de retour.

Car Je n’avais pas fini mon reportage.

À propos du billet de banque de 10 Francs MINEUR

Le peintre Lucien Jonas dans son atelier devant un tableau représentant Bazouges et son clocher ; En bas, les autres modèles du billet de banque de 10 francs, le mineur d’Anzin et la jeune femme de La Flèche (entourée en rouge).

Où l’on assiste à un revirement d’opinion

En l’absence de M. le curé, parti administrer quelque malade au loin, Il me fallait bien connaîtra l’église, source, en somme, de toute cette agitation. C’est un fort bel édifice du onzième siècle, très bien conservé, classé, d’ailleurs. Il a un chemin de croix en chromo, une sainte Thérèse et une Jeanne d’Arc en bonbon fondant et un merveilleux plafond ancien fait de lattes de bois polychrome.

C’est une petite église bien française.

En l’absence de M. le maire travaillant aux champs, il me fallait bien aussi, n’est-ce pas. interviewer le secrétaire de mairie sur la question de savoir si le billet, oui ou non, représentait Bazouges. M. Casteix, un exquis instituteur en retraite, chauffait ses rhumatismes à la tiédeur du poêle municipal quand je le surpris.

Il commença par regarder le billet côté mineur et avoua qu’il fallait beaucoup de bonne volonté pour y reconnaître Bazouges. Instruit qu’il se trouvait une autre face non moins intéressante, il retourna l’objet, fronça le sourcil, examina avec soin de l’air de l’homme qui cherche une épingle dans une botte de foin, sourit et déclara : « C’est bien de l’honneur qu’on nous fait là ! » … en fin politique rompu à la neutralité polie de l’argumentation officielle.

Je sus aussi de sa bouche que Bazouges groupe 1130 habitants dans les 168 maisons de son bourg et les fermes de ses hameaux. Que l’activité y est purement agricole, sauf celle importée depuis la guerre par une usine parisienne de moteurs ayant créé là une succursale, et celle des bureaux d’une compagnie d’assurances « éclatée ». Que le village abrite 45 réfugiés de Brest et d’autres de Saint-Nazaire, Nantes, Paris même. Qu’on s’occupe d’aménager un terrain de football et songe à une piscine.

Oui, en vérité, Bazouges est un vrai village de France.

Sortant de la mairie j’allai admirer, du pont sur le Loir, le ravissant tableau formé par les maisons dont les jardins ou les murs viennent embrasser l’eau, les lavoirs tout sonnants du fracas des battoirs, le palmier du café du Bon Coin, le remarquable château contemporain de l’église et dont le jardin est aussi un embarcadère pour la calme rivière. Paysage, certes très français, délicieux, étonnant de simple beauté, dont on avait raison de me dire qu’il est du village celui qui aurait dû être reproduit.

Mais quand je prétendis regagner le centre, ce fut une autre histoire. On m’arrêtait à chaque pas. Il me fallait sortir le billet. Toute la famille sortait aussi, on s’interpellait d’un étage à l’autre par la cage d’escalier, on se criait de descendre. Comment ! Je prétendais repartir le soir même ? Sans que tout le monde ait vu ? Mais on allait faire battre le tambour. Ceux des hameaux viendraient. On me ferait une réception d’honneur. Tout ressentiment s’était tu. La curiosité l’avait emporté sur le chauvinisme.

Et je me fis cette réflexion que, si j’avais la moindre initiative commerciale, j’aurais apporté une grande quantité de ces billets et les aurais débités 11 francs chacun, tout comme des dixièmes de la Loterie nationale. Sans compter qu’avec ceux-là on est toujours sûr de ne pas perdre.

10 francs mineur

Recto du billet de banque de 10 Francs MINEUR
Billet de la Banque de France

10 francs mineur

Verso du billet de banque de 10 Francs MINEUR
Billet de la Banque de France

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