La première exposition nationale de la carte postale

La première exposition nationale de la carte postale

Carte postale

Carte postale

La première exposition nationale de la carte postale avec les artistes, les éditeurs et les collectionneurs.

Dans la presse de 1903, on apprend que la carte postale illustrée va avoir son « Salon », et son Salon absolument français ; un groupe d’artistes, d’éditeurs, de collectionneurs, vient en effet de se former dans le but de présenter au grand public l’ensemble de ses meilleurs travaux.

C’est dans un Salon du Cercle de la Librairie que le Comité d’initiative de l’Exposition nationale des Cartes postales s’est réuni ces jours-ci, sous la présidence de M. G. Piprot. Il a été décidé que l’exposition serait organisée dans un vaste local, au mois de novembre prochain, ce local n’est pas encore désigné, mais déjà les bases de l’Exposition sont jetées, une circulaire a été rédigée et adressée aux artistes, collectionneurs et éditeurs, et il est à croire que ceux-ci entendront l’appel qui leur est fait. J’ai vu M. Piprot, qui a bien voulu me dire quelle sera la portée de l’Exposition dont il a eu l’initiative et quelle en sera l’organisation. L’Exposition durera un mois, elle comprendra : une exposition rétrospective, dans laquelle figureront toutes les collections, cartes, journaux ou documents, intéressant l’histoire de la carte postale, ses origines, ses développements ; un Salon exposition de la carte postale illustrée actuelle. un Salon consacré aux originaux des cartes postales d’artistes. Le Salon, proprement dit, sera divisé en six sections : gravure, lithographie, photo gravure, photographie, coloris, et, enfin, albums, bibliothèques, meubles pour cartes postales. L’exposition sera purement, uniquement française, rien d’étranger n’y sera admis. Des prix seront décernés aux plus belles collections d’amateurs et aux plus belles productions des artistes ou des éditeurs.

Une personne de quinze ans

Ainsi donc, la carte postale illustrée, tout comme les tableaux et les dessins, va avoir son Salon : ceux qui virent naître, voilà une quinzaine d’années, la carte postale, si timide, si ingénue, ne s’en étonneront pas, car la carte postale, depuis, a pris dans le monde une place prépondérante, d’aucuns disent : excessive. Importée en France d’outre-Rhin, la carte postale illustrée est cependant d’origine française, nous avons tous, dans nos papiers de famille, des lettres ornées de gravures représentant des scènes de village, des paysages de province ; ces lettres illustrées n’étaient usitées qu’en France, on en trouve beaucoup sous l’Empire, à ce moment, le papier à lettre imagé faisait florès, il existe à la Bibliothèque nationale de curieuses séries de ces papiers-là, j’en ai vu une série des plus charmantes, éditée plus tard pendant l’Exposition de 1878, chaque papier était orné d’une vue de Paris à l’eau-forte, c’était charmant, c’était aussi fort cher.

A l’étranger, on songea à transporter des dessins qui ornaient nos papiers à lettres sur des cartes postales, la mode nouvelle eut beaucoup de mal à s’implanter en France, où la carte postale n’était pas considérée comme une correspondance polie ; adresser une carte postale à quelqu’un était considéré, chez nous, comme une injure ou au moins comme une incorrection. Cependant, les français en voyage trouvaient que la politesse n’était pas tout à fait un article d’exportation et envoyaient volontiers, d’Allemagne ou de Suisse, des cartes postales illustrées à leurs amis, c’était une façon de leur expédier une «curiosité» du pays qu’ils visitaient; restés en France, ils se seraient bien gardés d’user de la carte postale. Aussi, les premières cartes mises en vente en France eurent-elles peu de succès. Les précurseurs, des artistes, cependant, virent le parti qu’il y avait à tirer de la carte postale ; ils en virent surtout le parti « artistique ». MM. Henri Boutet et Lebègue furent les premiers à faire imprimer des cartes postales à leur usage personnel, les figurines qui y étaient dessinées étaient un peu légères ; les employés des postes collèrent des bandes de papier gommé sur des seins trop voluptueux, sur des hanches trop plantureuses, des journaux protestèrent ; la carte postale ainsi fit parler d’elle, on sut qu’elle existait, on sut que des artistes l’appréciaient, puis qu’ils daignaient en éditer.

A l’étranger, on vit tout de suite l’affaire à faire ; des photographes allemands, belges et suisses parcoururent nos régions, photographièrent sites et monuments, éditèrent à Berlin, à Bruxelles, à Munich, à Genève, des cartes postales « françaises » et en inondèrent nos boutiques, tout de même, la mode était lente à s’instaurer. Ces cartes postales, en effet, étaient trop manifestement étrangères…, elles ne correspondaient pas au goût national.

Deux Revues eurent à ce moment l’idée de lancer des cartes postales françaises ; ce furent la Critique et la Plume, qui, presque en même temps, il y a six ou sept ans, commandèrent à de jeunes artistes des cartes postales ; et on eut des séries signées Henri Boutet, Couturier, Vibert, Jossot, Lebègue, Guillaume, Thomen.

Vint l’Exposition universelle de 1900, les étrangers affluant chez nous demandèrent de toutes parts des cartes postales. Il n’y en avait que fort peu, le besoin créa l’organe des cartes furent arrêtées. les Parisiens et provinciaux voyant tant de cartes postales lancées par les étrangers, en lancèrent aussi. Des maisons spéciales d’édition se fondèrent, des boutiques spéciales s’ouvrirent, la carte postale avait conquis une place au soleil.

L’album cartes postales

Aujourd’hui, on sait combien grande est cette place ; les collections de cartes postales ont remplacé les collections de timbres-poste dans toutes les maisons, il y a maintenant « L’Album » de cartes postales. La manie de collectionner ces bouts de cartons illustrés est devenue une frénésie ; les voyageurs s’en plaignent; cette manie est devenu très coûteuse et très absorbante. On écrivait, jadis, quinze lettres ; on envoie aujourd’hui deux cents cartes postales, l’administration des postes ne s’en plaint pas.

Album cartes postales

Album cartes postales

L’Administration

Elle avait bien, au début, été effarée à la vue de ces bristols imagés. Elle avait fait observer que, seules les cartes postales officielles avaient droit au tarif de dix centimes. M. Mougeot changea cela. Il donna à chacun le droit d’éditer des cartes postales officielles, pourvu que celles-ci fussent timbrées à dix centimes. Il alla même plus loin, il autorisa la carte timbrée à cinq centimes, quand celle-ci ne contient que quelques mots de politesse.

Les cartophiles doivent beaucoup à M. Mougeot, ils s’en souviennent, son successeur, M. Bérard, inaugurera l’Exposition prochaine. Il y a beaucoup de genres de cartes postales : la carte politique, la carte satirique, les portraits, les paysages, les vues de pays ; il y a mêmes les cartes pornographiques et les cartes ordurières. Le Salon de 1903 aura-t-il son Musée secret ?

Des millions de cartes postales sont expédiés chaque année, j’ai dit qu’une industrie s’était créée. Il y a des éditeurs qui gagnent 50000 francs par an à éditer des cartes postales. A Niort, un éditeur gagne 40000 francs par an à éditer des cartes poitevines, et éditeur décentralisateur, il n’édite que des cartes de son pays.

La carte postale est luxueuse ou populaire, on en vend deux francs pièce, ce sont des cartes tirées à petit nombre et signées ; ou en vend à six sous la douzaine ; on en vend à dix pour un sou dans les faubourgs.

Les collectionneurs débordés ont dû constituer des bibliothèques spéciales pour cartes postales. A la Nationale, on compte plus de 50000 cartons de ce genre, ce seront là de précieux documents pour l’avenir.

Les collectionneurs qui savent se borner ne gardent que les cartes commémoratives, expédiées le jour de la cérémonie et signées d’un nom connu ; ici, le champ devient restreint, la plus belle collection de ce genre comporte cent cinquante cartes seulement et elle appartient à M. Emile Strauss, directeur du journal La Carte postale illustrée, l’un des initiateurs de la mode nouvelle. Nous verrons cette collection à l’Exposition de novembre prochain.

 

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