La fausse monnaie un métier difficile
Je ne résiste pas à communiquer un extrait du journal : Le petit parisien N° 11.128 – 32ème année. En effet, sous la plume de Jean Frollo, cet article du 17 avril 1907, devrait intéresser les historiens numismates que nous sommes et tout particulièrement les collectionneurs de faux billets.
S’il est vrai que les collectionneurs de billets de banque seront les mieux servis par cette lecture, il n’en demeure pas moins que les collectionneurs de monnaies ne seront pas oubliés à la fin de l’article !
Un métier difficile par Jean Frollo.
C’est ainsi que le bon Nadeau, il y a quelque 30 ans, qualifiait le métier de gendarme. Me sera-t-il permis d’appliquer la même épithète à une carrière beaucoup moins honorable, à une carrière qui ne consiste point du tout à garantir la propriété, non plus qu’à protéger les champs et la ville du vol et de l’iniquité, à une carrière enfin qui conduit en prison ceux qui la choisissent : je veux parler de la fausse monnaie.
En apprenant qu’une fabrication de faux billets de la Banque de France avait été découverte à Lausanne, nous avons eu tous un geste instinctif. Nous avons ouvert nos portefeuilles et nous avons inspecté, suivant notre opulence, les coupures de 1000, de 500, de 100 et de 50 francs qu’il pouvait contenir. Nous avons vidé ensuite notre porte-monnaie. Et nous avons fait sonner les pièces d’or et d’argent sur une tablette de cheminée. N’ayant rien remarqué d’anormal, nous avons repris notre sérénité en nous félicitant de n’être pas, pour cette fois, victimes des faux monnayeurs.
Ceux-ci, reconnaissons-le, exerce la plus malaisé des industries. Et il faut quelque naïveté, avec très peu de scrupules, pour embrasser cette profession scabreuse.
Elle a sans doute un avantage : c’est être moins encombré que les autres. Il y a trop de médecins. Il y a trop d’avocat. Il y a trop d’écrivains. Dans un autre ordre d’idée, l’encombrement n’est pas moindre. Il y a trop de cambrioleurs. Il y a trop d’apaches. Et les uns et les autres risquent beaucoup pour pas grand-chose. Le faux-monnayeur, lui, est un ambitieux et un concentré. C’est un ambitieux, car il dédaigne de voler 60 francs dans une armoire : il lui faut des profits plus vastes. Et c’est en grand qu’il opère. C’est un concentré, un homme de cabinet, qui n’aime pas se commettre en des aventures vulgaires et brutales. Il travaille chez lui, scientifiquement. Comme les alchimistes d’autrefois, il cherche la pierre philosophale : seulement c’est une pierre truquée.
Je disais que les difficultés sont énormes : qu’on n’en juge. D’abord, il n’y a qu’une fabrication vraiment fructueuse : c’est celle des billets de banque. Or, cette fabrication est extrêmement délicate. Pour imprimer les billets authentiques, la Banque de France est obligée d’avoir un personnel d’élite. Pour contrefaire ces billets, c’est presque du génie qui est nécessaire. J’ai vu, hier, un des billets faux fabriqués à Lausanne. Un haut fonctionnaire de la Banque de France, chez lequel j’étais en visite, me passa une liasse de coupure en disant : voyez et chercher ?
Sans prétendre à une pénétration particulière, je suis obligé de déclarer que je n’ai pas cherché longtemps. Rien qu’en feuilletant la liasse, au toucher le plus superficiel, j’ai senti la différence. Et quand j’ai regardé après avoir touché, j’ai constaté que cette différence était criante. Non, véritablement, les gens de Lausanne n’étaient pas de force !
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Il y a eu des faux monnayeurs qui faisaient mieux, beaucoup mieux que cela. On me racontait précisément ces jours derniers l’histoire, ancienne déjà car elle remontait à plus d’un demi-siècle, d’un certain Giraud, qui vivait honorablement sous le second Empire, de la fabrication des billets de banque. J’ai dit qu’il vivait honorablement. Tous ses amis – et Dieu sait qu’il en avait ! – disait la même chose. Il habitait un beau château, non pas un château en Espagne mais un château dans les Charentes. Il recevait beaucoup. Tout le monde aller chez lui. La maréchaussée l’estimait et la magistrature le fréquentait …
Un jour, à la suite peut-être d’une dénonciation anonyme, car la police se vante ordinaire de découvrir ce qu’elle a simplement entendu dire, on soupçonna ce bon monsieur Giraud. Il y avait une charge unique, et combien légère contre lui. C’est que la fausse monnaie qu’on suivait à la trace semblait partir de la région où il menait sa paisible existence. On hésita longtemps. Mais enfin on se décida. On perquisitionna. Et on trouva dans les caves du château tout le matériel classique des faux monnayeurs.
Giraud fut condamné. Mais on ne put se défendre de l’admirer. Les vieux employés de la Banque de France, qui ont connu son affaire, disent qu’il avait un merveilleux talent : c’est à peine si un léger détail, dans un tout petit coin de ce billet, décelait la contrefaçon. Il fut pris cependant. Et celle qu’a, tôt ou tard, de tous ses confrères.
La fabrication des pièces fausses et aussi dangereuse : et elle est moins rémunératrice que celle des faux billets de banque. C’est véritablement un métier de dupes et qui, de jours en jours, devient plus ingrat.
Il n’était pas mauvais autrefois, quand on pouvait faire des pièces en platine. Mais vous voyez quelle malchance pèse sur les faux-monnayeurs ! Le platine aujourd’hui coûte plus cher que l’argent et que l’or. Les faussaires travailleraient donc à perte, s’il continuait cette fabrication. Alors, ils ont recours à d’autres procédés, la pièce en plomb, la pièce fourrée. Connaissez-vous la pièce fourré ? C’est celle où, après avoir découpé l’intérieur, on injecte du plomb à l’intérieur. Cela donne, paraît-il, des résultats excellents. Et nous acceptons tous les jours des pièces fourrées. Mais songez combien il en faut fabriquer et combien il en faut « lancer » pour arriver à faire fortune.
Il y a d’ailleurs dans le personnel des faux-monnayeurs ce qu’on pourrait appeler des « gagne-petit ». Monsieur Billotte, caissier de la Banque de France, racontait autrefois l’histoire d’un contrefacteur, qui avait de modestes ambitions. Il fabriquait chaque année pour cinq mille francs de billets, un traitement de sous-chef de bureau. Cela lui suffisait pour vivre. Comme le sage, il limitait ses besoins.
N’aurait-il pas mieux fait d’être fonctionnaire ? il aurait gagné autant ou plus. Il aurait eu droit à la retraite, tandis que sa retraite, à lui, c’est une maison centrale.
Pour le rangement des faux billets, en général, ils se rangent à la suite d’un authentique avec une mention visible dans un album pour classer les billets de type petit format ou un album de rangement de grande taille. Aussi, pour le classement des fausses monnaies, vous pouvez choisir entre l’album monnaies de petite dimension ou bien le grand modèle de classeur avec les pochettes à étui carton autocollant ou à agrafer.